jeudi 15 novembre 2012

Assimiler le terrorisme à du militantisme constitue un soutien au terrorisme


Le site de France Télévisions publie aujourd'hui 15 novembre 2012 un article signé de l'un de ses rédacteurs réguliers, le journaliste Pierre Magnan (à ne pas confondre avec le romancier du même nom, décédé en avril dernier) de France 2 et France Télévisions, fidèle soutien de son collègue de France 2 dans l'affaire Enderlin.

Le titre de cet article n'est pas en cause, "Gaza : la guerre sur internet et les réseaux sociaux", qui annonce clairement que son sujet concerne un thème bien connu de tout journaliste : celui de ce qu'on appelle souvent "la guerre de l'information", dans laquelle toute la question est de séparer l'information véritable de la propagande mensongère. L'article de France Télévisions prétend faire le point de manière objective et équilibrée sur le sujet annoncé. 

Il s'agit en fait d'un article qui, insidieusement, vise à présenter le terrorisme du Hamas comme une forme de militantisme, comme je vais le montrer bientôt.

Mais avant d'expliquer en quoi l'article de France Télévisions fait cela, je veux dire clairement ceci :

Assimiler le terrorisme à du militantisme 

constitue une forme de soutien au terrorisme.


Et ceci pour la simple raison que dans notre pays, les mots "militants" et "militantismes" sont associés à des formes de combat non violents, qui visent à attirer l'attention d'un maximum de personnes sur une cause dont on veut promouvoir la justesse. 




Ce type d'activité n'a donc clairement rien à voir avec le terrorisme, qui est une activité criminelle qui vise à tuer, à blesser et à effrayer un maximum de personnes innocentes. 

Voici à présent ce qui dans l'article de France Télévisions relève de l'assimilation du terrorisme au militantisme, et par conséquent d'une forme de soutien au terrorisme. 

Pour le journaliste rédacteur de l'article en question, je cite
Le compte Twitter de l'armée israélienne [...] multiplie les tweets [...] informant, pêle-mêle, de l'avancée des opérations, du nombre de roquettes tirées par le Hamas sur Israël, ou décrivant la caractère «terroriste» du Hamas.
Plus loin dans son article, Pierre Magnan remet cela, histoire de marteler la suggestion :
Tsahal publie de nombreuses images dénonçant les «terroristes» du Hamas au moyen d'infographies ou de photos légendées.
Que signifient ici les guillemets autour du mot "terroriste" ? Contrairement à l'usage que je viens d'en faire, il ne s'agit pas pour Magnan de désigner le mot en tant que tel, et s'il s'agit pour lui de souligner le fait qu'il s'agirait d'une citation, il est clair qu'une telle distanciation, cette manière de prendre le terme avec des pincettes --- c'est cela, les guillemets --- suggère un doute quant à la validité du vocable. Pourtant, tout citoyen, même s'il est journaliste à France Télévisions, peut facilement prendre connaissance des actes, des écrits, des paroles, de l'histoire du Hamas qui témoignent clairement de la nature terroriste de ce groupe islamiste armé. Du reste, contrairement à ce que pourrait suggérer les pincettes de notre ami journaliste; Israël n'est pas seul à avoir classé le Hamas comme organisation terroriste, c'est aussi le cas de la France en tant que membre de l'Union Européenne (décision du conseil de l'Europe du 26 janvier 2009), et aussi du Canada et des Etats-Unis.




Plus loin, Pierre Magnan écrit
Toujours sur  YouTube, l'armée israéienne (sic) a posté des vidéos «pédagogiques» expliquant pourquoi Israël «a le droit de se défendre»  ou comment elle entend éviter les victimes civiles lors de ses frappes contre les militants du Hamas à Gaza.
Cette fois, alors même qu'il est en train de citer le point de vue israélien, il n'y a plus de guillemets autour du mot "militants" (moi j'en mets, puisque je parle ici du mot). On obtient ainsi une citation mensongère : l'armée israélienne n'a jamais prétendu frapper des "militants" du Hamas. Du reste, dans notre langue, la phrase de Magnan n'a guère de sens, puisque chez nous les militants sont des civils, alors que sa soi-disant citation oppose les deux notions. En français, ce qui s'oppose à "civil", c'est "militaire", éventuellement "combattant" ou "milicien", mais certainement pas "militant", ni même "activiste" (pour reprendre le terme précédemment à la mode médiatique).

Certes, il est possible que dans ses messages en anglais l'armée israélienne parle de "militants", mais en anglais le terme n'a pas du tout le même sens, puisqu'il désigne des hommes en arme. Dans ses messages en français, le terme utilisé par l'armé israélienne pour désigner ces criminels est le mot "terroriste".

En mettant en doute, par ses guillemets, le caractère terroriste des miliciens palestiniens et autres lanceurs de missiles ciblant les populations civiles israéliennes et prenant en otage la population civile de la bande de Gaza, et en validant, par l'absence de guillemets, le terme "militant", le journaliste de France Télévisions vise clairement à suggérer que les dits miliciens ne seraient pas des terroristes mais des militants, et que leur activité criminelle ne serait pas du terrorisme mais du militantisme.

Cela constitue une façon de soutenir l'activité terroriste du groupe islamiste, et cela est absolument scandaleux.

Dans la conclusion de son article, Magnan commence par regretter que l'avalanche de "tweets militants" rende difficile de repérer des messages plus informatifs "comme ceux du correspondant de France Télévisions en Israël, Charles Enderlin"

Notons au passage que Magnan rend compte également de l'activité du Hamas en terme de réseaux sociaux, de la façon suivante :
Sur ce compte, le Hamas communique également sur ses actions et affiche par ailleurs des photos insoutenables d'enfants victimes (mais à la provenance et à la date invérifiables). 
Cette fois, le rédacteur de France Télévisions ne parle plus de propagande mais utilise le mot neutre "communiquer" sans correctif (une concession à l'usage imposé par la pub ?). Et l'on aurait bien aimé que la réflexion qui l'a conduit à donner cette précision bien venue sur l'invérifiabilité de la provenance et de la date des photos publiées par le Hamas eût commencé avant l'affaire Enderlin, cela lui aurait peut-être évité de faire partie en juin 2008 des premiers signataires d'un texte corporatiste et militant de soutien au dit Enderlin qui commence par affirmer que "Mohammed al-Doura, 12 ans [a été] tué par des tirs venus de la position israélienne, le 30 septembre 2000, dans la bande de Gaza" avant qu'Enderlin lui-même, sur son blog, le 23 septembre 2008, souligne la crédibilité de ceux qui contestent son affirmation initiale du 30 septembre 2000, je cite Enderlin : 
"nous nous sommes engagés à diffuser toute information crédible et vérifiée sur cette affaire. C’est ainsi que j’ai diffusé deux sujets dans des 20h en novembre 2000 sur la conférence de presse du général Yom Tov Samia pour qui: « la probabilité que Mohammed a Dura a été tué par des balles palestiniennes était plus forte que la probabilité qu’il a été tué par des balles israéliennes » 
Finalement, France Télévisions regrette, sous la plume de Pierre Magnan, que les messages "plus analytiques" d'Alain Gresh (dans le genre militant, en voilà un qui se pose-là !), et Magnan de citer ce tweet : 
Gaza, le commandant du Hamas tué par Israël assurait en fait que la trêve avec Israël « tienne ».
Tu parles d'un éclairage : la trêve avec Israël ne tenait pas, justement, tout le monde a pu le constater, et le chef terroriste dont l'élimination a marqué le début des opérations israéliennes de légitime défense était, entre autre titre "de gloire", celui qui avait planifié la prise en otage du jeune Gilad Shalit dont France Télévisions s'est évertuée pendant des années, sauf la dernière de la période concernée, à gommer qu'il disposait aussi de la nationalité française (comme s'il appartenait aux journalistes de décider, parmi les possesseurs de la nationalité française, qui est un "vrai français" et qui ne l'est pas).

***

Alors soyons juste. France Télévisions n'est pas seule à vouloir faire passer les terroristes du Hamas pour des militants. Citons deux dépêches parmi beaucoup d'autres :
http://tempsreel.nouvelobs.comCréé le 11-11-2012 à 12h10 - Mis à jour à 23h31
JERUSALEM (Sipa-AP)
Après un regain de violences ce week-end, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s'est dit prêt dimanche à frapper la Bande de Gaza encore plus fort si les militants palestiniens ne mettaient pas fin à leurs attaques sur l'Etat hébreu.

Evidemment, Netanyahou n'a jamais parlé de militants, en tout cas pas au sens de ce terme en français, mais de terroristes. A noter à propos de la déclaration en question que France 24 en a rendu compte dans son journal de 13h du 11 novembre 2012 en prétendant que Nétanyahou avait déclaré que Tel Aviv était prêt à l'escalade. Là encore une déformation des propos tenus, puisque Nétanyahou n'a évidemment pas désigné Israël par "Tel Aviv". Je ne sais toujours pas au nom de quoi France 24 s'imagine pouvoir décider que Tel Aviv serait la capitale d'Israël, alors que, comme chacun sait, ce n'est pas là la capitale que s'est choisie l'Etat du peuple juif. Et je ne le sais pas pour la raison suivante : France 24, pas davantage qu'aucun des médias contactés par votre serviteur, ne réponds à mes messages.

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 14.11.2012 à 15h47 • Mis à jour le 15.11.2012 à 07h49
Israël menait jeudi 15 novembre un deuxième jour d'offensive contre les groupes armés dans la bande de Gaza. Une frappe aérienne a provoqué la mort de trois militants palestiniens, a-t-on appris de sources médicales.


***

Finalement, la principale avancée notable en terme de représentation valide de la situation dans les dépêches de nos médias me semble être celle relative à la désignation du terroriste Ahmad Jaabari comme "chef militaire du Hamas". A relire la citation suivante du propagandiste pro-Hamas que nos médias, à commencer par France Inter, ont célébré durant plus d'un an (jusqu'au flop réjouissant de son "spectacle" récent, nécessairement navrant, au Théatre de la Ville sous la bannière de Libération),  on se dit malgré tout qu'on a fait un peu de chemin, je cite :

il n’y a pas de militaires, il n’y a que des civils à Gaza - des militants peut-être, mais sûrement pas une armée.

Stéphane Hessel,

PS : message à Courrier International


Bradley Burston a écrit dans son article du Haaretz, je cite la version en anglais :

"Pressed by a broad coalition of Gaza militants to retaliate and exact revenge, Hamas could order the launch of the Iranian-developed Fajr-5 missile, straight north."


"Pressé par une vaste coalition de militants de Gaza qui réclament vengeance et représailles, le mouvement pourrait ordonner le tir de missiles Fajr-5 développés par l'Iran, droit sur le Nord."

Cette traduction de l'anglais "militant" par le français "militant", pour être très fréquente ces jours-ci, n'en est pas moins indigne. N'importe quel étudiant de première année sait, ou devrait savoir, qu'il s'agit là d'un faux-ami : "militant" en anglais désigne couramment des hommes armés, des miliciens, des combattants, éventuellement des terroristes --- comme c'est le cas ici, s'agissant de ceux qui appellent à bombarder la population civile d'Israël --- alors qu'en français "militant" désigne celui qui se livre au militantisme, activité non-violente visant à attirer les gens sur la justesse d'une cause, et non à assassiner, blesser et effrayer une population civile !


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