mercredi 29 juin 2005

La Garaudysation des esprits

Merci à Gerard Huber,

Auteur de GUÉRIR DE L’ANTISÉMITISME (Le Serpent à Plumes, 2005)

qui nous a envoyé le texte qui suit.

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S’il est un intellectuel qui doit se frotter les mains, c’est
bien Roger Garaudy. Certains anti-négationnistes, comme Edgar Morin (avec
Sami Naïr et Danièle Sallenave, signataires d'un article intitulé
«Israël-Palestine : le cancer» publié dans le Monde du 4 juin 2002)
rejoignent, en effet, aujourd’hui, son raisonnement, voire ses idées, sur le
judaïsme, le sionisme et l’antisémitisme

Rappelons qu’à la suite de son procès, les 8,9,15 et 16 janvier 1998, Roger
Garaudy fut condamné pour “complicité de contestation de crimes contre
l’humanité”, “diffamation à caractère racial” et “provocation à la
discrimination, à la haine et à la violence raciales”, en appui sur Les
Mythes fondateurs de la politique israélienne (in Revue La Vieille Taupe,
1995), ouvrage qui relayait les délires révisionnistes et négationnistes de
Robert Faurisson et de Paul Rassinier.

Or forts de la certitude que seuls les négationnistes pouvaient être
condamnés pour diffamation à caractère racial, des intellectuels se
sentirent autorisés à diffamer Israël et les Juifs, du moment qu’ils avaient
fait la preuve qu’ils étaient anti-négationnistes. C’est le cas d’Edgar
Morin. Le problème, c’est qu’ils avaient oublié de noter ce que Roger
Garaudy avait lui-même affirmé : « Mon propos n’est pas de discuter du
nombre de morts de l’Holocauste, mais de démontrer que c’est la politique
sioniste qui engendre une nouvelle vague d’antisémitisme ». Dès 1985,
n’avait-il, d’ailleurs, pas publié L’Affaire Israël (Papyrus) dans lequel il
écrivait : “ce n’est pas l’antisionisme qui engendre l’antisémitisme, c’est
le sionisme lui-même” (p. 33), et : “les sionistes usent – et abusent - d’un
autre argument qui, au moins, repose sur une réalité historique : le
massacre des Juifs par Hitler” (p. 77) ?

En fait, pour qui savait lire, le négationnisme apparaissait comme un détail
dans son argumentation antijuive. Conscient qu’il encourait une peine sans
gravité, étant donné l’écart existant entre la qualification de «
contestation de crimes contre l’humanité » et la sanction juridique de ce
délit, Garaudy sut focaliser l’attention sur le bien connu du révisionnisme
et du négationnisme, pour mieux ouvrir la voie à un nouveau type
d’attribution de la responsabilité de l’antisémitisme au judaïsme. Le
judaïsme sioniste, en général, celui de l’Etat d’Israël actuel, en
particulier, pouvaient, ainsi, devenir les causes de l’antisémitisme, mais à
la condition que l’argument fût donné au nom même de la reconnaissance de la
Shoah, et non, comme chez Garaudy, au nom de la contestation de sa réalité.

La preuve est faite que, désormais, Edgar Morin et de nombreux intellectuels
(appel du 22 juin 2005) qui le soutiennent sont tombés dans le désir de
Garaudy. Deux précautions oratoires : la reconnaissance de la Shoah et le
travail contre l’évidence des convictions intérieures, jusqu’à leur
destruction, s’il le faut, se sont frayées ainsi leur chemin vers la bonne
conscience du dénigrement de l’Etat d’Israël qui est devenu le prototype du
retournement de la victime en bourreau. On a clivé l’affect Garaudy pour
mieux retenir l’idée qu’il proclamait : l’illégitimité d’Israël. Mais
l’affect est revenu sous une autre forme. La délégitimation d’Israël s’est
imposée comme le terme naturel de l’anti-antisémitisme. La radicalité des
certitudes antisionistes s’est installé jusqu’à l’ « endoctrinement
anti-israélien » (Derrida). La critique non critique l’a emporté.

Roger Garaudy a donc atteint son objectif : autoriser l’anti-négationnisme à
exprimer son rejet d’un judaïsme qui intègre le sionisme.
L’anti-antisémitisme n’est plus qu’un pare-fantasme du meurtre du Juif
sioniste en soi.

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