mardi 18 décembre 2007

Propagande sur France-Culture (suite)

A propos de la chronique d'Anthony Bellanger, présentée sur France Culture dimanche 2 décembre 2007, et dont vous pouvez lire la retranscription en cliquant ici, nous nous sommes posé la question : "information objective, ou propagande éhontée ?". Voici quelques commentaires qui indiquent pourquoi nous penchons clairement vers la seconde hypothèse.

1. Bellanger commence, c'est sa première phrase, par dire que son intervention sera surtout consacrée à la première intifada. En fait, environ un cinquième de son intervention est effectivement consacrée à cette première intifada. Cela donne d'emblée une idée de la rigueur avec laquelle Bellanger utilise les mots.

2. L'erreur indiquée ci-dessus peut sembler anodine, mais si l'on songe au fait que la plus grande partie de l'intervention de Bellanger n'a en réalité strictement rien à voir avec la première intifada, on est conduit à se demander si la référence à celle-ci ne serait pas un procédé rhétorique visant à imprimer, par dessus l'image des Qassam actuellement tirés sur la population israélienne par les terroristes surarmés qui contrôlent Gaza, celle d'enfants lançant des pierres contre les soldats d'une armée moderne.

3. L'interprétation précédente est d'ailleurs renforcée par le fait que Bellanger formule explicitement en terme d'images la nature de la première intifada : "cette première intifada ce sont surtout des images d'adolescents gazaouis ou de Cisjordanie qui se sont battus à coup de pierres contre Tsahal, des images qui ont fait le tour du monde, ternissant durablement l'aura de l'armée israélienne ou de l'Etat hébreux".

Sur ce constat, nous sommes bien d'accord avec Bellanger... sauf qu'au lieu de s'interroger sur la nature et sur la fabrication de ces images, se demandant par exemple où sont les "grands frères" lorsque les petits sont dans le cadre, Bellanger ne les évoque que pour les imprimer à nouveau dans l'esprit de l'auditeur, comme si en disant "ce sont des images" non seulement il n'en désamorçait pas le pouvoir en partie trompeur mais au contraire le réactivait !

Remarquons qu'un tel procédé rhétorique ne peut être que parfaitement prémédité et réfléchi. Il vise à "ternir l'aura de l'Etat hébreux" dans l'esprit de l'auditeur, avant d'aborder le sujet véritable de la chronique, qui concerne Gaza aujourd'hui.

4. On arrive donc à aujourd'hui : "aujourd'hui... on est loin de l'optimisme qui prévalait après la signature des accords d'Oslo ou même après ceux d'Annapolis". Ici, pour l'auditeur très attentif, la couture est un peu visible car on peut penser que cinq jours après le sommet d'Annapolis, nous sommes encore dans la période que l'on peut qualifier de "juste après ce sommet", or Bellanger parle curieusement de la disparition de "l'optimisme qui prévalait après le sommet d'Anapolis". Cela semble absurde et sans intérêt, mais l'on comprend qu'il s'agit juste de convaincre l'auditeur qu'il y a un lien "logique" (Oslo et Annapolis sont le même genre de choses...) entre ce dont il a parlé avant et ce dont il va parler après...

5. Quoi qu'il en soit, on se demande d'abord où Bellanger a vu un tel optimisme. En effet, s'agissant de Gaza auquel sa chronique est principalement consacré, et du Hamas qui le contrôle, rappelons qu'il est inscrit dans la charte de ce mouvement terroriste qu' "Il n'existe pas de solution à la question palestinienne, excepté le jihad. Les initiatives, les propositions et les conférences internationales sont une perte de temps et des tentatives vaines", indication qui ne va pas précisément dans le sens d'un optimisme délirant à propos d'Annapolis. On se demande aussi ce qui, selon Bellanger, aurait bien pu détruire aussi rapidement un tel optimisme. On ne va pas se le demander longtemps, ce journaliste va bien vite éclairer notre lanterne : ce qui aurait détruit ce soi-disant optimisme, ce n'est pas pour Bellanger le fait que, par exemple, la télévision palestinienne du Fatah ("modérée", donc) diffuse encore, quelques jours après le sommet, une carte de la région entièrement recouverte par le drapeau palestinien tandis qu'Israël en a été rayé : non, pour Bellanger, un seul fautif : Israël.

6. La faute est en fait plus ancienne qu'Annapolis, elles constitue un des leitmotiv de la propagande palestinienne : à Gaza, de nombreux malades meurent à causent d'Israël, car Israël interdirait aux malades de sortir de Gaza pour se faire soigner ailleurs. Pour appuyer sa démonstration, Bellanger s'appuie sur le mot "shahid", martyr, rassemblant sous ce terme tous ceux qui "meurent à cause de l'ocupation israélienne". Mais, à l'examen, aucun des trois exemples que donne Bellanger n'entre pourtant dans cette définition.

7. Premier exemple de Bellanger, ceux qui meurent "à cause des incursions israéliennes qui répliquent, vous savez, aux rafales de roquettes Qassam". Le ton sur lequel Bellanger lâche cela suggère que la mention des Qassam lui est un peu pénible, comme s'il ne s'agissait en fait que d'un prétexte israélien, et on comprend que des Qassam il n'en sera plus question dans cette chronique. Quoi qu'il en soit, les combattants palestiniens qui effectuent des tirs de mortier sur les villes israéliennes ne sont pas de simples "activistes", encore moins des "militants", comme les désignent couramment nos medias, mais bel et bien des terroristes : lorsque ces terroristes meurent dans des combats avec l'armée israélienne, ils ne meurent pas "à cause de l'occupation israélienne" mais à cause de leurs actions terroristes visant les populations israéliennes et que rien ne justifie (à moins que Bellanger leur trouve une justification, et dans ce cas on aimerait savoir laquelle ?). En fait, Bellanger parle comme si Israël n'avait pas évacué Gaza, à moins qu'il considère que les Israéliens "occupent Sdérot" et que plus généralement, comme le suggère la carte du Fatah d'où Israël a disparu, les Israéliens "occupent"... Israël ?

8. Deuxième exemple de ceux qui meurent "à cause de l'occupation israélienne" : la "sorte de guerre civile larvée qui oppose les partisans du Hamas à ceux du Fatah". Comment avions-nous pu ne pas y penser ? Nous consultons pourtant régulièrement les dépêches de l'AFP, cela aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. Inutile de commenter davantage, il me semble, non ?

9. Troisième exemple de ceux qui meurent "à cause de l'occupation israélienne" : les malades qui meurent sans avoir pu franchir la frontière entre Gaza et Israël. Loin de nous l'idée de prétendre que cela ne s'est pas produit, mais le fait est que, dans une situation aussi difficile pour Israël, à savoir l'existence d'un "califat" islamiste, terroriste, rongé par une seule obsession : la destruction d'Israël et des Juifs, Israël n'a pas renoncé aux mesures humanitaires concernant les soins des malades de Gaza, puisque comme le rappelle Bellanger, la cour suprême israélienne a pu être saisie par certains de ces malades à qui elle a donné raison. Bellanger ne rappelle pas combien les hôpitaux israéliens ont soigné par le passé de gazaouis (y compris un certain Jamal Al Durah, le père du petit Mohammed, soigné en mars 1994, à l’hôpital Tel Hashomer de Tel-Aviv pour les conséquences de blessures présentées depuis par France 2 comme datant de septembre 2000). Bellanger ne rappelle pas non plus comment les terroristes palestiniens avaient pris l'habitude, durant la seconde intifada, de circuler comme faux malades à bord des ambulances. Alors c'est vrai, la décision de la cour suprême israélienne est arrivée trop tard pour que certains de ces malades puissent passer par Israël : qu'une situation de guerre conduise à des drames, ce n'est pas une découverte. Mais quel pays, confronté au fanatisme d'un califat terroriste, permet aux habitants de saisir sa justice pour finalement leur donner raison ?

10. Mais il y a un autre aspect, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas clair. Bellanger, sans le dire formellement, suggère en effet fortement qu'Israël contrôlerait non seulement sa frontière avec Gaza, mais aussi la frontière de Gaza avec l'Egypte. Voilà qui mériterait une véritable enquête journalistique.

Nous avons essayé de trouver des éléments à ce sujet, et la situation semble plutôt être celle-ci : toutes les forces en présence, Israël donc, mais aussi le Hamas, l'Union européenne (qui est partie prenante) et surtout l'Egypte, souhaitent limiter au maximum les passages à la frontière entre Gaza et l'Egypte. Ainsi, selon le journaliste Ilan Tsadik, dans un article publié le 28 octobre 2007, "aucun soldat de Tsahal ne fait écran entre Gaza et le pays du Nil, et [...] si l’Egypte - Etat arabe frère - n’avait pas fermé sa frontière au Califat de Gaza et à ses ressortissants, Bôle, ni personne d’autre, ne pourrait parler de "cadenassage"". Et,toujours selon Tsadik, "rien n’empêche Moubarak de vendre aux Gazatis tous les produits égyptiens dont ils ont besoin, de les fournir en carburant, en eau et en électricité. Sauf, peut-être, que le raïs en avait assez de voir ses stations touristiques du Sinaï être prises pour cibles par des terroristes soutenus par les islamistes de Gaza".

Dans un article du 20 novembre 2007, le journaliste palestinien Sami El Soudi écrit : "Un responsable du Hamas figurant parmi mes connaissances m’a assuré que si la frontière égyptienne ouvrait, on assisterait à un exode en masse en direction du Sinaï égyptien. Selon cet interlocuteur, plus de la moitié des Gazatis (environ 700 000 individus) ne songe qu’à partir, et, toujours de la même source, il faudrait voir dans ce danger la raison pour laquelle Moubarak empêche le passage des personnes à Rafah".

11. Alors on me dira : les citations précédentes sont extraites d'articles de la Mena, ce n'est peut-être pas objectif, et en plus, par les temps qui courent, cela peut devenir dangereux de citer la Mena (je fais ici référence aux poursuites judiciaires engagées par Enderlin contre le webmaster du site chrétien www.bethel-fr.com). Mais que dire alors de cet extrait d'une dépêche Reuters datant du 29 novembre 2007 : " les candidats au "hadj" se sont inscrits tant auprès du Hamas que du Fatah rival du président Mahmoud Abbas, et l'on ignore à ce stade si les autorités égyptiennes ou israéliennes ouvriront les grilles de Rafah pour permettre le passage des pèlerins gazaouites". Le moins que l'on puisse dire, c'est que Reuters est flou sur la question de savoir qui contrôle cette frontière; par contraste, Bellanger, lui, ne se pose pas de questions.

12. Mais si la fermeture de la frontière à Rafah était au moins autant le fait de l'Eypte que des autres acteurs, c'est tout le raisonnement de Bellanger qui s'écroule, car pourquoi fustiger Israël et non l'Egypte ? Sans parler du Hamas, dont on sait comment il a pu prendre prétexte des diminutions de fourniture en carburant de la part d'Israël pour fermer des installations qu'il aurait pu continuer à faire fonctionner.

13. Bellanger poursuit sur la densité de la population à Gaza : "cette bande de terre qui abrite 1,5 millions de personnes, vous savez Vincent c'est l'un des territoires les plus concentrés (*)... heu, les plus denses du monde..."

Etant donné les sous-entendus de Bellanger tout au long de sa chronique, il ne nous semble pas déplacé de s'interroger sur le surgissement du mot"concentré" : chercherait-on à suggérer que Gaza est non seulement "une prison à ciel ouvert", pour reprendre l'expression employée par la propagande palestinienne, en particulier depuis l'évacuation de Gaza, mais qu'il s'agirait en quelque sorte d'un camp de concentration, qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

Quoi qu'il en soit, s'agissant de la densité de la population de la bande de Gaza, il est vrai que, si l'on regarde les pays du monde, il s'agit de l'une des plus importantes au monde.

Cela, et Bellanger ne le dit pas, résulte d'une politique nataliste très fortement encouragée par les aides internationales qui accompagnent, pour le logement, la santé, l'éducation et l'alimentation, chaque nouveau-né palestinien et qui poussent les familles à faire sans cesse davantage d'enfants pour bénéficier de ces aides. Les familles ayant quinze enfants ne sont pas rares, et l'indice synthétique de fécondité est de 6,29 enfants/femme.

Ceci étant, la densité de population à Gaza est d'environ 3 800 hab/km, soit moins de la moitié de ce qu'elle est dans le département des Hauts-de-Seine (8350 habitants au km2). Et la densité de population à Gaza reste inférieure à celle de Gibraltar ou de Singapour.

14. Nous en resterons là pour aujourd'hui, laissant à chacun le soin d'analyser de même ce qui reste de la chronique de M. Bellanger, et de répondre pour lui-même à la question : information objective, ou propagande ?

1 commentaire:

Anatole a dit…

J'ai envoyé à Vincent Lemerre, sur
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/asuivre/contact.php
le message suivant :

Je propose sur mon blog une analyse assez complète de la chronique d'Anthony Bellanger dans "A suivre" du 2 décembre 2007. Ma conclusion : la chronique de Bellanger est entièrement sous le signe de la propagande anti-israélienne, et non de l'ordre d'une quelconque objectivité. Un morceau d'anthologie, de nature à détériorer gravement l'image de France Culture. A lire sur :
http://vigilances.blogspot.com/2007/12/propagande-sur-france-culture-suite.html